mercredi 15 octobre 2008

Cameroun - Chemin de fer : un deuxième avenant pour quoi faire ?

Un débat en catimini
Le second avenant en discussion concerne les investissements sur le chemin de fer entre 2009 et 2020.

Depuis quelque temps, des débats ont cours au sein de l’entreprise Camrail et de certaines administrations camerounaises sur la possibilité d’un avenant n°2 à la convention ferroviaire, près de dix ans après la privatisation du chemin de fer au Cameroun.
Dans le cadre de cet avenant, l’Etat du Cameroun s’engage à financer, avec Camrail, les projets d’investissements majeurs du chemin de fer entre 2009 et 2020. Dans cet accord, il est prévu que l’Etat du Cameroun débourse un peu plus de 110 milliards de Fcfa, contre près de 130 milliards de Fcfa pour Camrail.
Au moment où les discussions ont cours, en catimini, pour l’entrée en application de ce projet d’avenant, des questions se posent sur les conditions dans lesquelles celui-ci va se faire. On remarque en effet que Camrail, entreprise privée, bénéficie de privilèges autrement plus importants que ceux de la défunte société parapublique. Comme l’indique une source, «il s’agira en réalité, d’un financement du riche par les pauvres».
En effet, la société Camrail, dans la prochaine configuration, ne prend pratiquement aucun risque. Ses risques et charges sont minimisés, car transférés à l’Etat, qui opère comme son assureur et financier. «Les dégradations majeures de la voie seront prises en charge par l’Etat, en plus, sous le contrôle de Camrail», indique une source.
L’avenant n°2 prévoit notamment que les voies ferrées seront renouvelées avec des traverses métalliques. Ce qui semble arranger le concessionnaire (Camrail) au détriment de l’Etat du Cameroun. Car, le choix des traverses métalliques est au moins plus coûteux que celui des traverses bi blocs, utilisées actuellement. Un spécialiste indique : «Il est important de noter que la technologie des traverses bi blocs est aujourd’hui avérée. Elles sont techniquement bonnes, très stables, très durables (autant sinon plus que les traverses métalliques) ; moins coûteuses (même si l’on intègre le coût de pose), et elles sont dorénavant réparables. Par dessus tout, elles ont l’avantage qu’elles pourraient être faites sur place, et ainsi offriront des emplois aux Camerounais, en plus d’intégrer dans leur fabrication une bonne part d’intrants de l’économie nationale, notamment le ciment, le concassé, … tout en réduisant d’autant les matériaux importés comme le fer qui a connu une inflation importante ces dernières années, et de ce fait participe à l’évasion de l’argent gagné ici».
Mais, la principale question qu’on peut se poser est celle de savoir pourquoi un avenant n°2 à la convention ferroviaire, alors que le bilan des premières années de la concession faite à Camrail n’a jamais été fait. La question se pose d’autant plus que d’emblée, on ne voit pas le gain que le Cameroun tire de cette convention. Certains spécialistes approchés et au courant des tractations qui se déroulent en ce moment pensent même que ce qui se profile l’horizon, au cas où le projet d’avenant n°2 est adopté, n’est rien d’autre qu’une «subvention massive d’un privé par l’Etat». Or, à l’époque, les privatisations ont été justifiées par la nécessité de mettre fin aux subventions accordées par l’Etat aux sociétés parapubliques comme la Regifercam.


Et Bolloré prit le contrôle

Aujourd’hui, c’est le groupe Bolloré qui contrôle le chemin de fer au Cameroun. Ça n’a pas toujours été le cas, même avec la convention de concession signée en janvier 1999.

La Régie des Chemins de Fer (Regifercam) était inscrite sur la liste des entreprises étatiques à privatiser, fut mise en concession par le gouvernement camerounais, car les activités de transport ferroviaire représentaient pour les budgets de l’Etat une lourde charge.
La privatisation envisagée avait donc pour but de donner aux chemins de fer les moyens de jouer un rôle important dans l’économie nationale. Sur la base de la politique de restructuration de l’économie camerounaise, les activités de transport ferroviaire furent concédées à la société Camrail.
Engagé en réalité en janvier 1996, le processus a abouti à la signature le 19 janvier 1996, d’une « convention de concession de l’activité des chemins de fer au Cameroun ». La reprise officielle de cette activité par Camrail a eu lieu le 1er avril 1999.
Les signataires de cette convention étaient, d’une part, l’Etat du Cameroun et d’autre part le groupe Bolloré, avec comme opérateur le groupe Comazar, sous la désignation Camrail. Comment se fait-il donc que le groupe Bolloré se retrouve tout seul aujourd’hui à mener la barque ?
En effet, Bolloré (via sa filiale Saga), dans le cadre d'un consortium avec un groupement belgo-sud africain (Comazar) a obtenu la concession du service public du chemin de fer Regifercam devenu Camrail. A la suite de la convention de 1999, un certain M. Kelbé a été nommé président du conseil d’administration. En réalité, celui-ci n’a jamais véritablement siégé comme tel. Ce rôle étant dévolu, dès le départ, à M. Giros du groupe Bolloré. A côté, l’opérateur Comazar n’est pas resté bien longtemps non plus. Il a en effet été absorbé par le groupe Bolloré.


Une convention vieille de près de dix ans


Écrit par Jules Romuald Nkonlak
C’est par un décret de deux articles, signé le 19 mars 1999 par le président de la République que la convention de concession de l’activité ferroviaire au Cameroun au profit de la Société Camrail a été approuvée. Le premier article, qui comporte en fait l’essentiel de l’information, indique : «Est approuvée la Convention de concession de l’activité ferroviaire au signée le 19 janvier 1999 entre la République du Cameroun et la Société Camrail».

La concession était prévue à l’époque pour 30 ans, avec comme principaux objectifs de développer le transport des personnes et des marchandises, de renforcer la sécurité, d’équiper les gares de voyageurs.
A l’époque de sa reprise du chemin de fer camerounais, Camrail devait réhabiliter le matériel roulant et renouveler la voie. Le parc du matériel roulant se composait à ce moment là de 32 locomotives de ligne, de locomotives de manœuvre, de voitures voyageurs et de wagons marchandises.
Il n’était pas prévu à cette époque le second avenant qui est actuellement discuté. De même, la convention de concession mettait l’accent également sur le transport des passagers, don on a l’impression aujourd’hui qu’il a été un peu mis de côté.


Les intérêts des populations bafouées


Écrit par Maurice Simo Djom
La fonction sociale et humaine de l’exploitation du chemin de fer est sacrifiée.

La privatisation de la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (Regifercam) décidée par Décret n°99/057 du 19 mars1999 a entraîné une série de réformes dans le secteur du transport ferroviaire.
La réduction de moitié des fréquences du transport des passagers en est une. Avec l’arrivée de la Camrail, la deuxième ligne Yaoundé-Ngaoundéré a été supprimée. Avec la Regifercam, les voyageurs qui empruntaient le Transcamerounais avaient la possibilité de voyager deux fois par jour. Le deuxième train, dénommé La navette, avait une vocation sociale : il s’arrêtait à toutes les gares et à toute occasion, contrairement à la couchette qui ne stationne que dans de grandes gares. Résultat des courses : les gares de petite envergure ne sont plus desservies. Les activités commerciales qui s’y développaient se sont arrêtées. Des zones entières, qui n’ont pour toute ouverture sur le réseau des infrastructures de communication que le chemin de fer, se retrouvent ainsi coupées du reste du territoire. Les lignes Yaoundé-Mbalmayo et Yaoundé-Belabo ont aussi été supprimées.
Les infrastructures ferroviaires, à l’instar des installations fixes (rails, gares de fret, gares voyageurs, gares de triage..), le parc des engins et des véhicules, n’ont pas été renouvelées. Des déraillements continuent d’avoir lieu, à cause de la vétusté des rails.
La tarification de la prestation a été également revue à la hausse. Le billet du voyage aller Yaoundé-Ngaoundéré en 2ème assise coûtait 7.000 Fcfa, il est progressivement passé à 10.000 Fcfa. En 1ère assise, il était de 12.000Fcfa, il est passé à 17.000Fcfa. Les billets en wagon-lit valent 25.000 Fcfa et 28.000 Fcfa selon que l’on occupe un seul lit pour si l’on occupe un lit pour deux, alors qu’ils étaient naguère de 16500 Fcfa et de 18000 Fcfa.
Dans la même logique, les coûts de transport des colis ont subi une forte augmentation. L’on remarque en outre qu’aucun investissement n’a été fait dans les zones traversées par le chemin de fer. Les voyageurs se plaignent aussi des conditions peu humaines de voyage par train où l’hygiène est approximative. La concession d’exploitation de l’activité ferroviaire camerounaise a été cédée par l’Etat à la Camrail pour 30 ans le 19 janvier 1999. Camrail a effectivement repris cette activité le 1er avril 1999.

http://www.lejourquotidien.info/index.php?option=com_content&task=view&id=489&Itemid=56

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