dimanche 25 mai 2008

Arrestation de Jean-Pierre Bemba, premier suspect de la CPI en Centrafrique


L'ex-vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba, arrêté samedi à Bruxelles, est le premier suspect entre les mains de la Cour pénale internationale (CPI) dans l'enquête sur les crimes commis à grande échelle en Centrafrique.

Interpellé samedi soir à Bruxelles, Jean-Pierre Bemba, 45 ans, a été présenté dimanche après-midi à un juge d'instruction qui a ordonné son maintien en détention. La procédure de transfèrement du suspect vers le centre de détention de la CPI à La Haye pourrait prendre un à deux mois.

"Jean-Pierre Bemba Gombo est la première personne à faire l'objet d'un mandat d'arrêt" dans cette affaire, a souligné la CPI dans un communiqué.

A Bangui, au nom du gouvernement, le ministre de Centrafrique de la Communication Cyriaque Gonda a "pris acte", et estimé qu'il "faut laisser la procédure suivre son cours". Dans la rue, plusieurs victimes anonymes, encore traumatisées par leurs souffrances, ont dit leur "espoir" que "justice nous sera rendue".

En 2004, la Centrafrique, incapable de juger les graves crimes commis sur son territoire, avait transmis le dossier à la CPI.

"C'est la première fois que le procureur ouvre une enquête dans laquelle les allégations de crimes sexuels excèdent largement le nombre d'assassinats présumés", avait déclaré M. Moreno-Ocampo en ouvrant la procédure en mai 2007.

M. Bemba est poursuivi pour deux chefs de crimes contre l'humanité et quatre chefs de crimes de guerre commis par des hommes qu'il commandait.

"Les (membres du) Mouvement de Libération du Congo (MLC) menés par Jean-Pierre Bemba ont commis, dans le cadre d'une attaque systématique généralisée contre la population civile, des viols, des actes de torture, des atteintes à la dignité de la personne, des traitements dégradants et des pillages" entre octobre 2002 et mars 2003, affirme le procureur.

"Nous ne pouvons effacer les blessures (des victimes). Mais nous pouvons leur rendre justice. Les témoignages des victimes seront autant de preuves", a-t-il déclaré.

Près d'un millier d'hommes de ce groupe politico-militaire était intervenu en Centrafrique à l'appel du président Ange-Félix Patassé pour mater un coup d'Etat. Ils avaient ensuite fait régner la terreur, tuant, pillant et surtout violant plusieurs centaines de femmes et fillettes.

"Le nombre élevé de viols commis (par le MLC) avec une brutalité sans nom est une caractéristique particulière de cette affaire", a relevé le procureur.

A Bruxelles, le commissaire européen au Développement Louis Michel a réagi avec prudence, disant qu'il ne peut "pas juger la Cour pénale et de l'opportunité de (l'arrestation...)". "Je ne peux que faire confiance à la Cour", a-t-il ajouté.

Pour la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), cette arrestation est un "signal fort contre l'impunité".

Le MLC a "détruit en profondeur les structures de la société", a estimé la FIDH en RCA. "Les femmes sont rejetées par leur familles et villages, elles rejettent elles-mêmes leur enfant né d'un viol".

"C'est une mauvaise surprise, c'est la consternation", a déclaré en revanche à Kinshasa François Muamba, secrétaire général du MLC, le premier parti d'opposition en RDC, en insistant sur "la présomption d'innocence".

M. Bemba avait quitté la RDC pour le Portugal le 11 avril 2007 sous escorte de blindés de l'ONU, près de trois semaines après de sanglants combats dans Kinshasa entre sa garde rapprochée et l'armée.

Il est la quatrième personne arrêtée par la CPI. Les quatre suspects sont tous des Congolais (RDC), mais les trois autres ont été arrêtés dans le cadre de crimes commis en RDC. M. Moreno-Ocampo enquête également en Ouganda et au Darfour.

Stringer AFP/Archives ¦ Jean-Pierre Bemba le 30 juillet 206 à son arrivée à Goma (RDCongo)

© 2008 AFP

Grand Prix de F1 à Monaco: victoire de Lewis Hamilton sur McLaren-Mercedes


Le Britannique Lewis Hamilton (McLaren-Mercedes) a remporté le Grand Prix de Monaco, sixième des 18 épreuves du Championnat du monde 2008 de Formule 1, dimanche dans les rues de la Principauté.

Ce deuxième succès de la saison lui a également permis de reprendre la tête du championnat puisque Kimi Raikkonen (Ferrari) a commis plusieurs erreurs et fini hors des points (9e).

A l'issue d'une course des plus mouvementées, largement perturbée par la pluie, Hamilton a devancé le Polonais Robert Kubica (BMW Sauber) et le Brésilien Felipe Massa (Ferrari).

Mark Webber (Red Bull), quatrième, a fini pour la cinquième fois consécutive dans les points devant Sebastian Vettel, qui de son côté marque ses premières unités au championnat avec la nouvelle Toro Rosso.

Les derniers points sont pour Rubens Barrichello, sixième sur sa Honda, Kazuki Nakajima (Williams), septième, et Heikki Kovalainen (McLaren-Mercedes), huitième.

Hamilton a surmonté un gros handicap puisqu'il avait commis une erreur en début de course et heurté un rail de sécurité. Il s'est arrêté aux stands pour changer un pneu crevé mais n'a pas perdu trop de temps.

Il a ensuite comblé son retard grâce à une neutralisation et retardé au maximum son arrêt au stand pour prendre la tête.

Après une matinée pluvieuse la pluie s'était arrêtée mais refaisait son apparition au moment de la mise en grille. Les voitures s'élançaient en pneus pluie, sauf Kovalainen, qui calait avant le tour de chauffe et devait partir des stands.

Son coéquipier Hamilton prenait le meilleur sur Raikkonen et franchissait le premier virage juste derrière le poleman Massa.

Dans le peloton, Nico Rosberg (Williams), Jenson Button (Honda) et Timo Glock (Toyota) étaient victimes de touchettes, cassaient leur aileron avant et devaient rentrer aux stands réparer. Même chose pour Hamilton, victime d'une touchette à l'arrière droit au cinquième tour. Le Britannique limitait la casse et repartait quatrième.

La pluie redoublait, Fernando Alonso (Renault) embrassait à son tour le rail mais pouvait continuer après une brève réparation. David Coulthard (Red Bull) et Sébastien Bourdais (Toro Rosso) sortaient de la piste au même endroit que l'Espagnol mais devaient de leur côté abandonner.

La voiture de sécurité entrait en piste pour deux tours. Massa conservait la tête au restart tandis que Raikkonen était pénalisé d'un drive through pour avoir monté ses pneus trop tard sur la grille. Le champion du monde perdait deux places et repartait quatrième.

Alonso tentait lui d'attaquer Heidfeld au Loews mais les deux voitures s'accrochaient. Les deux pilotes repartaient très loin après réparation.

Au 15e tour, Massa tirait tout droit à Sainte-Dévote et cédait la tête de la course à Robert Kubica, pratiquement le seul à n'avoir commis aucune erreur.

Le Polonais ravitaillait au 25e tour et ressortait sous le nez de Raikkonen, qui à son tour visitait l'échappatoire de Sainte-Dévote et cassait son aileron avant. Le Finlandais rentrait ravitailler et ressortait sixième, derrière l'étonnant Adrian Sutil, excellent cinquième sur sa Force India.

La pluie cessait, la piste s'asséchait et les choses se calmaient. Après tous ces incidents, seuls deux pilotes étaient hors course: Bourdais et Coulthard.

Tous chaussaient bientôt les pneus slicks et Hamilton, qui retardait au maximum son arrêt, prenait la tête.

Nelsinho Piquet sortait à Sainte-Dévote et abandonnait. Plus tard, Rosberg était victime d'une violente sortie de piste à la piscine et provoquait une nouvelle sortie de la voiture de sécurité.

Lorsque celle-ci s'écartait, Hamilton conservait aisément la tête devant Kubica et Massa. Mais Raikkonen, cinquième, perdait le contrôle de sa Ferrari à la sortie du tunnel et heurtait Sutil. Le Finlandais réparait son aileron avant et repartait neuvième mais il ruinait la course magnifique de Sutil, qui n'aura probablement plus la possibilité de marquer d'aussi beaux points de si tôt.

Bertrand Guay AFP ¦ Le Britannique Lewis Hamilton après sa victoire du Grand Prix de Monaco, le 25 mai 2008



© 2008 AFP

Colombie: Les Farc confirment la mort de leur chef


Le numéro 1 de la guérilla colombienne aurait succombé fin mars à une crise cardiaque, selon l'armée colombienne.
Le gouvernement colombien l'accuse d'avoir introduit les prises d'otage dans la guérilla.
La guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie a confirmé dimanche la mort de son chef historique, Manuel Marulada. "Le grand leader est parti", a déclaré le membre du secrétariat des Farc, Timoleon Jimenez, à la chaîne de télévision vénézuélienne Telesur. Des déclarations ensuite reprises par les télévisions colombiennes. Manuel Marulanda, 80 ans, est mort d'une brève maladie, a ajouté le membre du secrétariat, qui précise qu'Alfonso Cano, considéré comme le responsable idéologique de la guérilla, en assumera désormais le commandement.

Samedi, l'armée colombienne avait annoncé le décès du numéro un des Farc, déjà donné pour mort à au moins 17 reprises. Il serait décédé le 26 mars "de mort naturelle", plus précisément d'une crise cardiaque, avait déclaré à la télévision privée Caracol le numéro deux de l'armée.

Les chef de guérilla en France ?

Avant que les Farc ne confirment l'information, le président Alvaro Uribe s'était déclaré fort mécontent de la divulgation de la mort de Manuel Marulada par le ministère de la Défense. Selon lui, des chefs de la guérilla sont en effet prêts à se démobiliser et à libérer des otages dont la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, "si le gouvernement (colombien) leur garantit la liberté". Ces dirigeants, avait ajouté Alvaro Uribe, "seraient remis aux autorités de France pour qu'ils puissent profiter dans ce pays de leur liberté".

Alvaro Uribe avait également rappelé son offre de payer une récompense pouvant atteindre 100 millions de dollars aux guérilleros qui désertent avec des otages. Ingrid Betancourt, 46 ans, ex-candidate à la présidentielle, est otage de la guérilla colombienne des Farc depuis plus de six ans. Ses conditions de santé sont alarmantes, selon des témoignages concordants. Les Farc ont proposé d'échanger 39 otages dits "politiques", dont Ingrid Betancourt et trois Américains, contre 500 guérilleros emprisonnés.

http://tf1.lci.fr

Liban: Le général Michel Sleimane élu président


Avec 118 voix sur les 127 législateurs votants, le général Michel Sleimane devient le nouveau président du Liban, comme prévu lors de l'accord de Doha pour le partage du pouvoir et la réconciliation entre pro et anti-syriens.
Après avoir été élu président, le général Michel Sleimane a prêté serment devant les députés dimanche 25 mai. Comme prévu lors de l'accord de Doha de partage du pouvoir et de réconciliation entre pro et anti-syriens, le parlement libanais a élu le chef de l'armée à la tête du pays. Il a recueilli les voix de 118 des 127 législateurs votants, selon le président de l'Assemblée nationale, Nabih Berri.
Michel Sleimane doit encore prononcer un discours où il doit renoncer à sa fonction de chef des armées.
Sa première tâche consistera à nommer un nouveau Premier ministre. Saad Hariri, chef de file de la majorité parlementaire et fils du Premier ministre assassiné, figure en tête de liste.
"Je ne peux sauver seul notre pays. C'est une mission qui concerne tout le monde. Elle relève de la responsabilité de tous les Libanais, les citoyens avant les politiciens", avait-il prévenu cette semaine dans le quotidien As Safir.
A 19 reprises, l'élection du président par les députés avait dû être différée en raison de l'impossibilité de réunir le quorum nécessaire. Le Parlement libanais n'avait plus siégé depuis plus d'un an et demi.

En présence de dignitaires étrangers

Plusieurs dignitaires étrangers, dont des chefs de la diplomatie de pays arabes ou européens, parmi lesquels le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, assistaient à la séance.
La majorité anti-syrienne et l'opposition emmenée par le Hezbollah sont parvenues à un accord mercredi à Doha, au Qatar, pour tenter de sortir le Liban de 18 mois d'une crise politique aiguë. Le pays a failli basculer dans la guerre civile comme en 1975-90 lors de combats de rue entre factions qui ont fait au moins 67 morts la semaine dernière.
L'accord de Doha est avantageux pour le Parti de Dieu, qui obtient 11 ministres dans un nouveau gouvernement d'unité nationale contre 16 à la majorité anti-syrienne, et bénéficiera d'un droit de veto sur les décisions du gouvernement. Le départ des six ministres proches du Hezbollah avait marqué un tournant dans la crise en juin 2006, paralysant l'exécutif.

Les défis du nouveau président

Le principal défi du nouveau président sera de tenter de réconcilier la majorité parlementaire et l'opposition.
Il devra aussi s'attaquer aux questions en suspens qui menacent la cohésion du Liban, à commencer par le désarmement du Hezbollah. La milice chiite, qui combattait alors la présence israélienne au Sud-Liban, a été la seule autorisée à conserver ses armes après la fin de la guerre civile. Mais ses adversaires réclament aujourd'hui son désarmement.

http://tempsreel.nouvelobs.com

Un scandale africain


Pourtant riche en ressources énergétiques, la majeure partie du continent vit au rythme épuisant des coupures et des pannes de courant. Premier responsable de ce gâchis : l’imprévoyance coupable des gouvernants.

Sur les quarante-huit pays d’Afrique subsaharienne, ils sont pas moins de trente à avoir connu, ces dernières années, de graves crises d’énergie et des coupures d’électricité intempestives. Même l’Afrique du Sud, locomotive du continent, est touchée par cette inquiétante épidémie depuis le début de l’année.

Le 10 janvier dernier, l’opérateur public sud-africain, Eskom, a en effet avoué son incapacité à fournir le courant nécessaire au fonctionnement du pays. Des quartiers ont été plongés dans le noir ; les délestages ont affecté le pays jusqu’à la fin avril ; les sociétés minières, qui emploient 450 000 personnes, ont dû fermer plusieurs jours en janvier ; les pertes, colossales, ont été estimées à 200 millions d’euros par jour, et la production minière affiche une baisse de 17,2 %. Pays qualifié d’émergent, l’Afrique du Sud ne parviendrait donc plus à nourrir sa croissance, qui passerait, selon les estimations, d’un 5,4 % réalisé en 2007 à un piètre 3,4 %.
La cause de cette gigantesque panne ? Il faut la chercher essentiellement du côté de l’imprévoyance des gouvernants, qui ont d’ailleurs présenté leurs excuses. Coupables de ne pas avoir développé les infrastructures au rythme imposé par l’expansion de l’économie, les autorités ont avoué ne pas avoir pris au sérieux les mises en garde formulées à ce sujet par les dirigeants d’Eskom, il y a déjà dix ans. Faisant lui-même acte de contrition, le chef de l’État, Thabo Mbeki, a reconnu ne pas avoir écouté les demandes de la compagnie lorsque celle-ci avait réclamé, dès 1998, davantage de crédits d’investissement pour accroître ses capacités de production.
Les fruits de la croissance (aux alentours de 4,5 % par an depuis 2004) ont permis de connecter plus de 3,5 millions de foyers au réseau national depuis 1994. Mais aujourd’hui, victime de son succès et incapable de satisfaire la demande, l’Afrique du Sud entraîne ses voisins dans sa chute. De Windhoek à Lusaka en passant par Harare, les délestages imposés par Eskom affectent toute la sous-région. Déjà passablement miné par la crise, le Zimbabwe a subi de graves coupures qui ont mis hors d’usage le réseau téléphonique, les feux de circulation et les transports ferroviaires de la capitale.
Les pays membres du Pool énergétique d’Afrique australe (SAPP) sont donc - bien malgré eux - solidaires dans le malheur. Si le SAPP a longtemps permis de vanter les vertus de l’intégration, il en incarne aujourd’hui les limites. L’Afrique australe, qui faisait figure d’exemple en ce domaine, montre qu’elle n’est pas moins exposée que d’autres à de brutales baisses de tension. Et ne fait que renforcer la situation catastrophique du continent.

Dakar, Conakry, Brazzaville, Douala… dans l’obscurité
À l’échelle mondiale, l’Afrique subsaharienne demeure un nain énergétique. Le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) sur les perspectives économiques régionales (paru en avril) consacre un chapitre entier à la « crise de l’électricité en Afrique subsaharienne ». Cette dernière produit péniblement 495 kWh par habitant, alors que l’Afrique du Nord atteint 1 330 kWh/habitant, l’Asie du Sud-Est 2 398 et l’Amérique du Nord 14 723 (selon l’Observatoire des énergies renouvelables et EDF) ! Au total, sa capacité de production ne dépasse pas celle de l’Espagne, et si l’on exclut l’Afrique du Sud, celle de l’Argentine ! Des chiffres d’autant plus préoccupants que la croissance de la production d’électricité en Afrique subsaharienne est plus faible qu’ailleurs. Elle n’excédait pas 0,7 % en 2006, contre 4,9 % pour l’Afrique du Nord. Si les dirigeants subsahariens veulent faire passer le taux d’accès au courant à 35 % de leur population d’ici à 2015, il leur faudra investir pas moins de 47 milliards de dollars par an, soit entre 6 % et 7 % du PIB total de la région.
La contre-performance met, par ailleurs, en danger les Objectifs du millénaire. Comment se soigner si l’on ne peut conserver à basse température les vaccins et les médicaments nécessaires ? Comment avoir accès à une nourriture saine sans réfrigérateur ? Comment se procurer une eau propre sans infrastructures de pompage ? Comment communiquer avec ses clients et ses fournisseurs si les télécommunications ne peuvent plus fonctionner ? À l’heure actuelle, seuls 24 % des Subsahariens ont accès à un réseau électrique. Quelque 500 millions de personnes sont donc privées de courant ou obligées de produire localement leur propre énergie électrique, à un coût souvent très élevé, tant pour elles que pour leur environnement.
Pis, l’accroissement de la demande devrait conduire le continent à connaître des pénuries de plus en plus fréquentes et de plus en plus massives. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la grande majorité de la population subsaharienne sera encore privée d’électricité d’ici à 2020.

Des dirigeants irresponsables
Après avoir glosé sur le scandale géologique africain, on parle aujourd’hui de scandale énergétique… La multiplication des pénuries n’est pas due au hasard. Elle résulte clairement d’un manque de prospective, tant de la part des gouvernants africains que de celle des bailleurs de fonds, qui se sont le plus souvent limités à gérer l’existant sans daigner investir dans le développement des capacités de production. C’est notamment le cas pour l’Afrique du Sud, pays longtemps vanté pour la qualité de son administration : aucune centrale électrique n’a été construite depuis la fin de l’apartheid, alors que les incidents se sont multipliés sur un parc vieillissant, entraînant une perte de 20 % de la production. Mais c’est aussi le cas ailleurs sur le continent, où la pénurie guette depuis le milieu des années 1990. À l’époque, l’explosion de la demande émanant d’une population urbaine de plus en plus dense devient particulièrement difficile à gérer. C’est également à cette période que l’on constate un désinvestissement flagrant de la puissance publique, celle-ci estimant souvent qu’il incomberait au repreneur de planifier le redéploiement des entreprises historiques récemment privatisées. Résultat : plusieurs compagnies africaines de production et de distribution d’électricité ont vite été dépassées. Si la Côte d’Ivoire a fait le bon choix en confiant dès 1990 au français Bouygues la destinée de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), d’autres, comme le Sénégal, la Guinée, le Togo ou le Cameroun, ont pris du retard, et se trouvent aujourd’hui confrontés à une insécurité énergétique inquiétante. Suffisamment préoccupante, en tout cas, pour faire sortir de sa réserve légendaire le chef de l’État, Paul Biya. Dans son message aux Camerounais à l’occasion du nouvel an 2008, il a stigmatisé les retards pris par son pays en matière énergétique et dénoncé les insuffisances de l’opérateur national Sonel, repris par la compagnie américaine AES Sirocco en 1998 (pour former l’AES-Sonel). Cette intervention n’est pas fortuite : la faiblesse de l’offre est en passe de devenir une menace pour l’ordre public. Le 17 septembre 2007, une marche organisée pour le rétablissement de l’électricité dans la ville d’Abong-Mbang (Est) a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre, se soldant par la mort de deux manifestants. Même coup de gueule, le 14 janvier, au Sénégal, où les habitants de Moudéry (Est) sont descendus dans la rue au cri de « À bas la Sénélec ! » pour réclamer la fin des délestages pendant les retransmissions des matchs de la Coupe d’Afrique des nations… Tandis qu’à Conakry les étudiants continuent de réviser leurs examens à la lueur des réverbères. En Guinée, les revendications populaires pour une meilleure alimentation en électricité commencent à porter leurs fruits. Parmi les exigences des manifestants, qui ont paralysé la capitale guinéenne en janvier 2007, la fourniture d’énergie a été érigée en priorité par le gouvernement de Lansana Kouyaté.

Survivre sans courant ? Pour combien de temps encore…

Après les émeutes de la faim, l’Afrique va-t-elle connaître la révolte de l’électricité ? La question est d’autant plus sensible que les pénuries ne font souvent qu’accroître les inégalités. Dans les pays les plus pauvres, la majorité souffre en silence pendant que quelques happy few vivent dans un confort révoltant. Roulant en 4x4 pour ne pas ressentir les chaos d’une chaussée défoncée, équipés de surpresseurs qui leur assurent une alimentation ininterrompue en eau potable, ces privilégiés ont bien sûr les moyens de s’offrir un groupe électrogène. Ils vivent dans des oasis de lumière, bercés par le ronronnement de leurs climatiseurs, pendant que leurs voisins s’éclairent à la chandelle.
Dans plusieurs capitales d’Afrique centrale, la faiblesse des ressources oblige les autorités à imposer un certain rationnement et les compagnies à distribuer le courant avec parcimonie. Quartier par quartier, les délestages se succèdent selon un planning préétabli (comme à Brazzaville), mais qui peut subir certaines modifications impromptues. L’appel irrité d’un ministre ou d’un proche du chef de l’État peut conduire le technicien chargé de la gestion du réseau à rétablir le courant dans certaines zones sensibles, laissant les autres dans l’obscurité la plus totale pendant toute une nuit. Certains techniciens sans scrupule peuvent aussi monnayer leur « collaboration ». Et si certains centres de secours sont équipés de groupes électrogènes, rien n’indique que ces générateurs disposeront de la maintenance, du carburant et du budget nécessaires à pérenniser leur fonctionnement.

Des ressources largement suffisantes
Face à ces passe-droits et autres petits arrangements coupables, le ras-le-bol est de plus en plus vif. Dotée de ressources hydrauliques inépuisables, l’Afrique subsaharienne dispose d’une houille blanche qui n’a jamais été valorisée comme elle aurait dû l’être. La Guinée, systématiquement qualifiée de château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, ne parvient pas à produire suffisamment de courant pour transformer localement sa bauxite en aluminium. Elle se voit forcée d’exporter la matière première sans profiter de sa valeur ajoutée. Idem au Cameroun, qui dispose du deuxième potentiel hydraulique d’Afrique, après la RD Congo. Le géant congolais détient pourtant à Inga un site prometteur pour l’avenir énergétique du continent tout entier. Les barrages du « Grand Inga » pourraient tirer profit du courant du fleuve Congo et développer une puissance de 39 000 MW (plus du double du barrage des Trois-Gorges en Chine), ce qui lui permettrait d’exporter du courant du Caire au Cap. Reste à trouver le financement de l’ouvrage, estimé entre 40 milliards et 50 milliards de dollars (voir ci-contre) !
Mais la mobilisation des ressources n’implique pas forcément des réalisations aussi pharaoniques que celle d’Inga. Localement, des solutions existent, qui visent à valoriser les atouts de chacun pour contribuer à satisfaire les besoins de tous. Ainsi, au Gabon, les réserves d’hydrocarbures sont désormais utilisées pour produire du courant, comme le fait la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) en alimentant sa centrale d’Owendo avec du gaz… gabonais. Un contrat d’achat a été signé avec le français Perenco pour la fourniture de 100 millions de m3 de gaz par an. Extrait de champs pétrolifères situés au sud de Port-Gentil, le combustible sera acheminé par pipeline jusqu’à Libreville sur une distance de 600 km.
Cette solution n’est pas réservée aux seuls producteurs d’hydrocarbures. Un gazoduc de 678 km en cours d’installation va ainsi permettre au Bénin, au Togo et au Ghana de profiter du gaz nigérian pour produire leur propre énergie. Une coopération que favorise la Cedeao à travers le West African Power Pool, réseau électrique sous-régional qui vise à renforcer la complémentarité entre ses membres. Ainsi l’interconnexion entre la Côte d’Ivoire et le Mali, qui a été lancée le 26 janvier dernier à Sikasso, constitue un maillon dans la toile d’araignée énergétique qui doit relier à terme les pays d’Afrique de l’Ouest.
Certes, tout le monde n’a pas la chance, comme le Nigeria, le Gabon ou la Côte d’Ivoire, d’avoir des hydrocarbures à revendre… Tout le monde n’a pas la chance non plus, comme le Cameroun ou la Guinée, d’avoir un réseau fluvial adapté à la production d’électricité. Certes, l’Afrique du Sud n’a pas de pétrole, ni même de fleuve aussi puissant que le Congo… Mais elle a des voisins. Et si elle a longtemps revendu son énergie à ses partenaires du Pool énergétique d’Afrique australe, pourquoi ne pourrait-elle pas devenir leur cliente ? Le Mozambique est déjà exportateur d’hydroélectricité aujourd’hui. La Namibie, grâce à son propre uranium, pourrait le devenir demain…

par JEAN-DOMINIQUE GESLIN

Jeune Afrique L`Intelligent