jeudi 17 septembre 2009

Renc’Art : Guillaume Apollinaire le pornographe*


Les élèves de classe de terminale du système francophone de l'enseignement secondaire au Cameroun devront s'habituer dès cette année scolaire au nom de Guillaume Apollinaire. En effet, son recueil de poèmes Alcools vient d'être inscrit dans leur programme, dans le cadre de l'enseignement de la littérature. Ce polonais qui n'a été naturalisé français qu'à sa deuxième demande a souvent souffert l'injure d'être traité d'étranger dans le pays de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Sa vie et son œuvre méritent d'être revisitées, afin que enseignants et élèves usent de discernement en l'abordant.

Pour l'anecdote, Guillaume Apollinaire est né d'un père resté inconnu. Sa courte vie de 38 ans (1880-1918) fut pleine et mouvementée. Hôte désargenté d'un hôtel de Wallonie, il dut le quitter à "la cloche de bois" avec son jeune frère, incapables qu'ils étaient de payer l'addition de leur séjour. En 1911, Apollinaire fut accusé de complicité de vol de La Joconde et incarcéré pendant cinq jours (il sera mis hors de cause par la suite). Mais ce qui compte le plus, au-delà de ces anecdotes croustillantes, c'est son activité de journaliste, de conférencier, de critique d'art et surtout de poète. A ces attributs que presque tous ses biographes soulignent, Jean-Jacques Pauvert ajoute que Guillaume Apollinaire fut aussi pornographe.

En tant que poète, les critiques sont unanimes pour lui reconnaître le mérite d'être le précurseur de la modernité. On lui doit l'invention du mot "surréalisme". "C'est d'Apollinaire que date la naissance du cubisme, celui de Picasso" dont il fut l'ami. Inventeur du concept du nouveau lyrisme, Guillaume Apollinaire recommande au poète de boire sans retenue à la source de la nature, non pour la reproduire ou l'imiter, mais pour la faire apparaître selon son propre point de vue. Pour lui, l'art est à dissocier absolument de la réflexion : "Je suis partisan acharné, écrit-il, d'exclure l'intervention de l'intelligence, c'est-à-dire de la philosophie et de la logique dans les manifestations de l'art. L'art, poursuit-il, doit avoir pour fondement la sincérité de l'émotion et le spontanéité de l'expression".

Mais à côté du Guillaume Apollinaire poète, il en existe un autre : le pornographe. Ce dernier est à la fois préfacier des œuvres de plusieurs auteurs érotiques et pornographiques dont le plus connu est Sade, et auteur de deux romans : Les Onze mille verges et le Jeune Dom Juan. Pour certains critiques qui ont tenté de le dédouaner, G. Apollinaire a écrit ces ouvrages licencieux pour "étoffer son maître budget". Mais, Jean-Jacques Pauvert démontre dans un article paru dans le Magazine littéraire (n°348, novembre 1996) le caractère spécieux de cet argument. Michel Décaudin, l'un des meilleurs spécialistes de Guillaume Apollinaire assume aujourd'hui le statut particulier de ces deux romans.

Dans une préface des Onze mille verges, il note que l'attrait de G. Apollinaire pour "les fesses et la sodomie n'étaient pas seulement littéraire". Il cite également une notice de présentation de ce roman datée de 1907, où cette œuvre est présentée comme faite "d'orgies sexuelles", d'un "vampirisme sans précédent", de "scènes de pédérastie, de saphisme, de nécrophilie, de scatomanie, de bestialité". Ardent défenseur de la littérature licencieuse, l'auteur de Alcools affirme que "l'extrême liberté ne peut choquer que des cuistres". Tel est le Guillaume Apollinaire que les jeunes élèves camerounais vont côtoyer. Si "la connaissance de l'homme est indispensable à qui veut approfondir la pensée et les intentions du poète", alors il est important que les acteurs de notre système éducatif tirent toutes les conséquences de l'inscription de Guillaume Apollinaire dans les programmes.

Par Marcelin Vounda Etoa*

http://www.quotidienmutations.info/septembre/1253165378.php

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