lundi 14 janvier 2008

Une fabrique d'antimatière détectée au sein de la Voie lactée

D'où vient le mystérieux nuage d'antimatière présent dans les régions centrales de la Galaxie ? Une équipe européenne d'astrophysiciens, composée notamment de chercheurs du CNRS, de l'Université Paul Sabatier de Toulouse et du CEA, a levé une partie du voile en cumulant l'ensemble des données recueillies depuis quatre ans par Integral, un satellite de l'ESA. Le satellite Intégral révèle une fabrique d'antimatière au sein de la Voie lactée
Un disque d’antimatière très asymétrique Forme « miroir » de la matière, l'antimatière constitue avec la matière un couple étrange : mises en présence, particule et antiparticule s'annihilent mutuellement en énergie. En 2005, les astrophysiciens avaient établi, grâce au spectrographe SPI**, embarqué à bord du satellite Integral, une première carte de la répartition de l’antimatière dans la Galaxie : l’antimatière y était essentiellement concentrée autour du centre galactique avec une composante plus ténue répartie le long de son disque équatorial. Dans ces premières données, le nuage d’antimatière semblait très symétrique, suggérant qu’il pouvait provenir de la désintégration de particules exotiques de matière noire dans le halo central symétrique de la Galaxie.

En cumulant maintenant toutes les observations obtenues ces quatre dernières années par SPI, les scientifiques ont pu affiner la cartographie de ce nuage et constater que l'antimatière se distribuait de façon asymétrique de part et d’autre du centre galactique. L'émission d'antimatière du disque galactique apparaît deux fois plus importante d’un côté du centre galactique que de l’autre.


Une répartition similaire à celle des sources X binaires C
ette répartition surprenante semble confirmer une autre piste explorée pour expliquer l’origine de l’antimatière présente dans la Galaxie. Elle apparaît très proche en effet de la répartition d’un certain type d’objets appelés sources X binaires de faible masse. Les sources X binaires sont des couples formés d’une étoile orbitant autour d’un objet compact tel qu’une étoile à neutrons ou un trou noir. Leur rayonnement X provient de l’énorme quantité d’énergie dégagée par la chute de la matière de l’étoile sur l’astre compact. Dans de tels systèmes, un plasma chaud constitué d’électrons et de positons*** est éjecté et une fraction de ces derniers se propage dans le milieu interstellaire avant de s’annihiler en émettant un rayonnement à une énergie caractéristique de 511 keV****.


De l’origine de l’antimatière au centre de la Galaxie Les sources X binaires sont donc une piste pour expliquer une partie de l‘origine de l’antimatière dans les régions internes du disque de la Galaxie. Si ce scénario permet d’expliquer la moitié de la quantité considérable d'antimatière produite au centre de la Voie lactée, des sources astrophysiques classiques comme des supernovae thermonucléaires ou le trou noir central super massif pourraient expliquer l’origine de la quantité restante. La place pour un scénario exotique invoquant une particule de matière noire se réduit donc fortement...


voie lactée









A gauche, la carte de la Voie lactée observée par SPI à l’énergie de 511 keV représentée en coordonnées galactiques. Le plan de la Galaxie est la ligne centrale de part et d’autre du centre galactique à la position (0,0). A une émission symétrique de largeur à mi-hauteur de 6 degrés (le bulbe galactique) s’ajoute une extension d’un côté du disque galactique. Le code de couleur indique l’intensité du signal (rouge plus intense).
A droite, la répartition des systèmes binaires X de faible masse détectés par le télescope IBIS/ISGRI à bord du satellite Integral. Une concentration plus importante dans la même direction est visible, suggérant que ces systèmes binaires X sont les sources d’antimatière dans les régions internes du disque galactique.

Publication :
"An asymmetric distribution of positrons in the Galactic disk revealed by gamma-rays"
Georg Weidenspointner, Gerry Skinner, Pierre Jean, JürgenKnödlseder, Peter von Ballmoos, Giovanni Bignami, Roland Diehl, Andrew W. Strong, Bertrand Cordier, Stephane Schanne, Christoph Winkler, Nature, 10 janvier 2008


Voir aussi :
- Service d’Astrophysique du CEA-Dapnia
- Institut national des sciences de l’Univers (INSU) du CNRS

Notes:

* Centre d’Etude Spatiale des Rayonnements (CNRS, Université Paul Sabatier, Toulouse) et Service d’Astrophysique du CEA-IRFU - Laboratoire AIM (CEA, CNRS, Université de Paris Diderot).
** Le spectrographe SPI (pour SPectromètre pour Integral) permet de détecter une émission gamma dans des raies fines de la Galaxie avec une très grande précision. Sous maitrise d’œuvre du CNES, Le CESR a conçu et réalisé la caméra gamma et le CEA un dispositif électronique majeur de ce télescope.
*** Le positon (ou positron) est la particule d'anti-matière correspondant à l'électron. L'annihilation "positon-électron" produit une quantité d'énergie bien précise qui se traduit par un excès de lumière à une énergie de 511 keV.
**** L'énergie des rayons X et gamma est souvent évaluée en "électron-volt (eV)". En unités du système international (SI), 1 eV correspond à 1.6 10-19 Joule.

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