lundi 28 avril 2008

«Les Farc ne lâcheront pas leur carte maîtresse sans obtenir beaucoup de la France»


Alors que Bernard Kouchner entame ce lundi une visite en Colombie, en Equateur et au Venezuela, Daniel Pécaut, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, revient sur les espoirs de libération d'Ingrid Betancourt.
La visite de Bernard Kouchner en Colombie semble susciter peu d’espoirs. Partagez-vous ce sentiment?
C’est en effet un pari risqué après l’échec de la mission française de début avril, car chacune des parties a déjà dit qu’elle ne bougerait pas de ses positions actuelles. Qui plus est, Kouchner tombe dans un moment particulier en Colombie, avec un Alvaro Uribe sous pression car les scandales (notamment celui des liens entre les paramilitaires et des hommes politiques proches du chef de l’Etat, ndlr) se rapprochent. S’il cédait maintenant, cela signifierait qu’il est dans une situation tellement difficile qu’il est obligé de lâcher du lest. Cela me paraît difficile.
Les Farc peuvent-elles faire un geste?
Les Farc ont traité d’ingénue la mission médicale française. Ils répètent que tout ce qui les intéresse, c’est la démilitarisation de deux municipalités (Florida et Pradera, soit une surface de 800 km², ndlr) et qu’il n’y aura plus de libérations «unilatérales». Ingrid Betancourt est leur pièce maîtresse, car elles ne retiennent plus que trois otages civils politiques. Ils ne la lâcheront pas, à moins d’obtenir beaucoup de la France. Il faudrait que la France, avec d’autres pays, exerce une forte pression sur Uribe pour qu’il cède sur la démilitarisation. La tendance chez les Farc, qui sont elles aussi en grandes difficultés militaire et financière, c’est de voir venir.

Le président vénézuélien Hugo Chávez va-t-il revenir dans les négociations?
Uribe refuse de lui confier à nouveau le rôle de médiateur. Et Chávez a reconnu qu’il avait des difficultés pour agir en ce moment, son contact chez les Farc ayant «explosé», selon ses propres termes, en allusion à l’ancien numéro 2 de la guérilla Raúl Reyes. Aujourd’hui, son interlocuteur est Iván Marquez, mais il tient un discours très dur, très radical.

Dans ces conditions, quel peut être le rôle de la France?
La France peut espérer apaiser la situation entre la Colombie, l’Equateur et le Venezuela pour peut-être obtenir quelque chose dans le futur. Mais une libération d’Ingrid Betancourt à court terme semble difficile. Un apaisement est, lui, possible, car la situation dans la région est un jeu d’échecs où les acteurs - Uribe, les Farc et Chávez - ont une image précaire. Même celle des Farc ne s’est pas améliorée après les libérations du début d’année. A l’avenir, mon opinion est qu’il faudra passer par une négociation politique avec les Farc, mais la guérilla devra certainement se rabattre sur des discussions en Colombie, et pas à travers Chávez.

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