jeudi 17 avril 2008

Litterature: La mort du poète Césaire


"Il y a chez moi ce besoin de rugir parce que les Antillais, descendants d'esclaves, êtres déchirés, ont été opprimés, dépouillés de notre langue et de notre terre", disait Aimé Césaire en 1993. Le père de la négritude, qui a défendu toute sa vie dans sa poésie et son combat politique l'identité antillaise et l'intégration des vieilles colonies, est décédé jeudi matin à l'âge de 94 ans.
imé Césaire était arrivé très fatigué au CHU de Fort-de-France le 9 avril dernier. Il s'y est éteint jeudi matin à l'âge de 94 ans.
Le poète était né à Basse-Pointe le 25 juin 1913. Fils surdoué d'un inspecteur des impôts, il est envoyé à Paris pour suivre de hautes études. A Louis-le-Grand, il rencontre Léopold Sedar Senghor, le futur président sénégalais et milite aux côtés des étudiants noirs anticolonialistes.
De retour en Martinique en 1939, il s'oppose au régime vichyste et publie un fracassant premier recueil de poésie: "Cahier d'un retour au pays natal", où il invente le terme de "négritude", "la conscience d'être noir, simple reconnaissance d'un fait qui implique acceptation, prise en charge de son destin de noir, de son histoire et de sa culture". Un livre-choc qui secoue les milieux intellectuels et littéraires: "A moi mes danses/ Mes danses de mauvais nègre/ A moi mes danses/ La danse brise-carcan/ La danse brise-prison/ La danse il-est-bon-et-beau-et-légitime-d'être-nègre" y écrivait-il. "Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir".
En 1945, il entre en politique. Un an plus tard, il est le rapporteur de la célèbre loi qui transforme en "départements" les vieilles colonies sucrières et bananières ultramarines (Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion). Pour lui, il s'agit avant tout d'obtenir l'égalité sociale. En 1957, il fonde le Parti progressiste martiniquais (PPM) qui revendique l'existence d'une communauté historique martiniquaise et veut jouer le jeu de la décentralisation. Il le préside jusqu'en 2005.
Si en 1958, il n'accorde qu'un petit "oui" à de Gaulle, il soutient en revanche sans réserve son ami Mitterrand aux présidentielles de 1981 et 1988. Il verra dans la décentralisation voulue par le président socialiste la reconnaissance de l'identité martiniquaise.
Fidèle à sa doctrine et anticolonialiste résolu, Aimé Césaire avait prévenu fin 2005, qu'il ne recevrait pas Nicolas Sarkozy, qui devait se rendre aux Antilles comme ministre de l'Intérieur. Il l'avait finalement reçu en mars 2006 et lui avait offert "Discours sur le colonialisme", un texte virulent contre l'Occident, juché sur "le plus haut tas de cadavres de l'humanité".
Vive émotion en France. La mort d'Aimé Césaire provoque une vive émotion en France, tant dans les milieux littéraires que politiques. Ségolène Royal et Christine Lagarde demandent que le poète reçoive l'hommage de la patrie en rejoignant les grands hommes au Panthéon. En attendant des obsèques nationales dont la date n'a pas été fixée, plusieurs jours de cérémonies seront organisés, dont notamment une journée de "veillée".

Les réactions:

Nicolas Sarkozy: "Par son appel universel au respect de la dignité humaine, à l'éveil et à la responsabilité, il restera un symbole d'espoir pour tous les peuples opprimés."

François Fillon: "Proche d'André Breton, le poète Césaire ne craignait ni la force des images, ni leurs ruptures. Il laissait naître de sa colère des chants puissants et durs", écrit-il.

Ségolène Royal: "un éveilleur de conscience, un éclaireur de notre temps, un démineur d'hypocrisies, un porteur d'espoir pour tous les humiliés, un combattant inlassable de l'humaine dignité".

Michèle Alliot Marie: "la voix d'un sage s'éteint, et c'est une part de l'âme antillaise qui disparaît avec lui".

Yves Jégo: "la France perd l'une de ses plus nobles consciences".

Abou Diouf : "je salue la mémoire d'un homme qui a consacré sa vie aux multiples combats menés sur tous les champs de bataille où se jouait le destin culturel et politique de ses frères de race, un combat noble car exempt de cette haine qu'il avait en horreur".

Ariane Schwab (avec AFP)

Europe 1

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