dimanche 25 mai 2008

Arrestation de Jean-Pierre Bemba, premier suspect de la CPI en Centrafrique


L'ex-vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba, arrêté samedi à Bruxelles, est le premier suspect entre les mains de la Cour pénale internationale (CPI) dans l'enquête sur les crimes commis à grande échelle en Centrafrique.

Interpellé samedi soir à Bruxelles, Jean-Pierre Bemba, 45 ans, a été présenté dimanche après-midi à un juge d'instruction qui a ordonné son maintien en détention. La procédure de transfèrement du suspect vers le centre de détention de la CPI à La Haye pourrait prendre un à deux mois.

"Jean-Pierre Bemba Gombo est la première personne à faire l'objet d'un mandat d'arrêt" dans cette affaire, a souligné la CPI dans un communiqué.

A Bangui, au nom du gouvernement, le ministre de Centrafrique de la Communication Cyriaque Gonda a "pris acte", et estimé qu'il "faut laisser la procédure suivre son cours". Dans la rue, plusieurs victimes anonymes, encore traumatisées par leurs souffrances, ont dit leur "espoir" que "justice nous sera rendue".

En 2004, la Centrafrique, incapable de juger les graves crimes commis sur son territoire, avait transmis le dossier à la CPI.

"C'est la première fois que le procureur ouvre une enquête dans laquelle les allégations de crimes sexuels excèdent largement le nombre d'assassinats présumés", avait déclaré M. Moreno-Ocampo en ouvrant la procédure en mai 2007.

M. Bemba est poursuivi pour deux chefs de crimes contre l'humanité et quatre chefs de crimes de guerre commis par des hommes qu'il commandait.

"Les (membres du) Mouvement de Libération du Congo (MLC) menés par Jean-Pierre Bemba ont commis, dans le cadre d'une attaque systématique généralisée contre la population civile, des viols, des actes de torture, des atteintes à la dignité de la personne, des traitements dégradants et des pillages" entre octobre 2002 et mars 2003, affirme le procureur.

"Nous ne pouvons effacer les blessures (des victimes). Mais nous pouvons leur rendre justice. Les témoignages des victimes seront autant de preuves", a-t-il déclaré.

Près d'un millier d'hommes de ce groupe politico-militaire était intervenu en Centrafrique à l'appel du président Ange-Félix Patassé pour mater un coup d'Etat. Ils avaient ensuite fait régner la terreur, tuant, pillant et surtout violant plusieurs centaines de femmes et fillettes.

"Le nombre élevé de viols commis (par le MLC) avec une brutalité sans nom est une caractéristique particulière de cette affaire", a relevé le procureur.

A Bruxelles, le commissaire européen au Développement Louis Michel a réagi avec prudence, disant qu'il ne peut "pas juger la Cour pénale et de l'opportunité de (l'arrestation...)". "Je ne peux que faire confiance à la Cour", a-t-il ajouté.

Pour la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), cette arrestation est un "signal fort contre l'impunité".

Le MLC a "détruit en profondeur les structures de la société", a estimé la FIDH en RCA. "Les femmes sont rejetées par leur familles et villages, elles rejettent elles-mêmes leur enfant né d'un viol".

"C'est une mauvaise surprise, c'est la consternation", a déclaré en revanche à Kinshasa François Muamba, secrétaire général du MLC, le premier parti d'opposition en RDC, en insistant sur "la présomption d'innocence".

M. Bemba avait quitté la RDC pour le Portugal le 11 avril 2007 sous escorte de blindés de l'ONU, près de trois semaines après de sanglants combats dans Kinshasa entre sa garde rapprochée et l'armée.

Il est la quatrième personne arrêtée par la CPI. Les quatre suspects sont tous des Congolais (RDC), mais les trois autres ont été arrêtés dans le cadre de crimes commis en RDC. M. Moreno-Ocampo enquête également en Ouganda et au Darfour.

Stringer AFP/Archives ¦ Jean-Pierre Bemba le 30 juillet 206 à son arrivée à Goma (RDCongo)

© 2008 AFP

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