mardi 29 avril 2008

Les racines africaines des maths


NUMÉRATION, graphes, fractales, calcul mental… Et si les mathématiques plongaient leurs racines en Afrique ?

Les mathématiques sont-elles nées en Afrique il y a 22.000 ans sur les berges du lac Edouard ? Telle est la théorie élaborée au départ de quelques encoches gravées sur un petit ossement retrouvé voici septante ans en bordure de la rivière Semliki. Cet ossement, exhumé du site d’Ishango fouillé par le géologue belge Jean de Heinzelin, fait partie des collections de l’Institut des Sciences naturelles de Belgique.
Le « bâton d’Ishango », présente des séries d’encoches qui font penser à un système de numération de base 6 ou de base 12. Des bases de calculs certes différentes de notre classique système décimal mais qui est pourtant tout aussi répandu que lui. Il suffit de regarder le cadran de notre montre…
La théorie ébauchée par de Heinzelin passionne depuis des années le Dr Dirk Huylebroeck, professeur de mathématiques à l’école d’architecture St Lucas de Bruxelles et à l’université de Gand.
« J’ai vécu pendant douze ans en Afrique centrale, au Congo, au Burundi, nous explique-t-il. Pendant tout ce temps, j’ai enseigné les mathématiques, sans savoir que je me trouvais quasiment aux sources de celles-ci. Ce n’est qu’après mon retour en Belgique, et alors que j’habitais dans le nord de Bruxelles, que j’ai découvert que la preuve de cette origine millénaire dormait à quelques kilomètres de chez moi, au Muséum des Sciences naturelles. »
Guide de voyage
Pour le mathématicien, c’est une révélation. Au fil de ses recherches, de ses découvertes, il accumule tellement de preuves de ce qu’il appelle les mathématiques anciennes en Afrique que l’hypothèse de Jean de Heinzelin concernant le bâton lui apparaît évidente.
Ses travaux l’ont amené à identifier des systèmes de comptage sur une foule d’objets conservés au Musée de l’Afrique centrale de Tervuren : des systèmes de numérations sur des bâtons gradués, des cordelettes à nœuds mais aussi dans le vocabulaire utilisé par les diverses ethnies rencontrées où pour dire « sept », par exemple, on dit « six et un ».
Réduire les ethnomathématiques à la seule numération serait une erreur. Dans son livre, Dirk Huylebrouck relève une foule d’exemples portant sur la géométrie, la théorie des graphes, les proportions, les fractales qui se lisent dans certaines coiffures traditionnelles chez les femmes.
Même la musique africaine et ses rythmes lui « parlent ». « Il y a derrière tout cela des logiques mathématiques évidentes », dit-il. Son argumentaire désormais couché sur papier apporte de l’eau au moulin des connaissances anciennes des mathématiques. Et à la pertinence du bâton d’Ishango comme objet mathématique. D’autant qu’un second os d’Ishango, également découvert à Ixelles dans le produit des fouilles menées sur les rives de la Semliki, confirme cette logique.
L’ouvrage qu’il consacre aux ethnomathématiques peut aussi se lire comme un guide de voyage ! Un guide de voyage à Tervuren, au musée royal de l’Afrique centrale, où l’on (re)découvrira à la lumière de ses explications certaines pièces des collections présentées au public. Un voyage en mathématiques, bien sûr. Et dans notre mode de penser les mathématiques et leurs origines à des milliers de kilomètres de la Mésopotamie ou la Grèce antique. Ou, pourquoi pas, un voyage en Afrique, où parures, rites, musiques et objets traditionnels prendront pour le lecteur une saveur bien plus cartésienne qu’il n’y paraît au premier coup d’œil.

http://www.lesoir.be

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