jeudi 15 mai 2008

Les guerres d'influence pour les richesses de l'Afrique


« L’Inde n’est pas engagée en Afrique dans une compétition qui l’oppose à la Chine ou quelque autre pays que ce soit », a affirmé Manmohan Singh, le premier ministre indien à l’issue du premier sommet indo-africain. La déclaration n’a rien fait pour dissiper l’impression exactement inverse donnée durant les deux jours de la fastueuse rencontre organisée à New Delhi le mois dernier.
Si, à l’évidence, le Forum indo-africain de Dehli constituait une réplique au sommet Afrique organisé en novembre 2006 à Pékin, la participation n'était pas du même niveau : quarante chefs d’état et ministres avaient fait le déplacement dans la capitale chinoise mais tout juste quatorze dans la capitale indienne.
Historiquement pourtant, l’Inde et sa diaspora ont eu longtemps en Afrique l’avantage de l’ancienneté et du nombre, une conséquence directe de la colonisation et de l’Empire britanniques.
En 1999, le commerce bilatéral entre les deux , avec un milliard de dollars, dépassait celui entre la Chine et l’Afrique.
Les deux géants asiatiques ont découvert depuis qu’ils avaient besoin des ressources naturelles du continent pour assurer leur développement et de ses marchés pour vendre leurs produits.
En six ans, les échanges indo-africains ont été multipliés par vingt. Mais l’augmentation des échanges entre la Chine et l’Afrique a été encore plus spectaculaire : en 2007, leur volume a dépassé 55 milliards de dollars et, selon les prévisions, il doit encore doubler d’ici 2010.
Pékin s’est en effet réveillé plus tôt que New Delhi. Et la Chine va plus vite et frappe plus fort.
Un exemple : en 2004 une compagnie chinoise et une compagnie indienne enchérissaient en Angola pour un bloc d’exploration pétrolière : la compagnie indienne a offert 310 millions de dollars, sa rivale chinoise 725 millions.
La percée des puissances asiatiques émergentes en Afrique s’est faite au détriment de l’Europe. Si le Vieux continent reste encore le principal partenaire du continent, sa part des échanges a fondu de presque la moitié à juste un peu plus du tiers.
Les pays occidentaux ne peuvent donc plus utiliser aussi facilement l’aide au développement et les accords commerciaux préférentiels comme moyens de pression.
Au Zimbabwe au Soudan en passant par le Tchad, l’effritement de la prééminence économique va de pair avec une perte de l’influence politique
Les Etats-Unis ont été, eux aussi, amenés à reconsidérer leurs vues sur l’Afrique qui, selon un rapport du Pentagone de 1995 ne représentait que « très peu d’intérêt stratégique ».
Trois ans plus tard les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie constituaient la cible des attentats d’Al Qaida.
Dix ans plus tard, l’ensemble du continent constitue pour les Etats-Unis un théâtre de la « guerre contre la terreur ». Ils ont mis en place un commandement régional pour l’Afrique et, après l’Afghanistan et l’Irak, ouvert un troisième front en Somalie où ils interviennent directement contre des guérillas qualifiées de jihadistes.
L’état-major d’Africom reste pour le moment au moins, basé en Allemagne, à Stuttgart. Contrairement aux attentes de Washington en effet, les capitales africaines, ne se sont pas précipitées pour l’héberger.
Un signe d’autant plus préoccupant que l’Afrique fournit maintenant 15 pour cent des importations de pétrole des Etats-Unis et qu’elle dispose de ressources en hydrocarbures sous exploitées et prometteuses dont l’accès constitue un enjeu stratégique majeur.
Le tableau ne serait pas complet s’il ne mentionnait pas les efforts du Japon dont le gouvernement organise fin mai à Yokohama une conférence internationale pour le développement de l’Afrique.
Ou encore la Russie qui, par l’intermédiaire de Gazprom tente de s’implanter dans l’exploitation du gaz naturel en Afrique du nord.
A travers l'histoire, de telles compétitions entre puissances ont parfois provoqué des conflits armés. Elles constituent aujourd’hui un facteur supplémentaire d’instabilité.

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